En création

PETITE

Rodolphe dana
texte et mise en scène Rodolphe dana

Dans la nuit du 18 au 19 janvier 2011, Laëtitia Perrais a été enlevée à 50 mètres de chez elle, avant d’être poignardée et étranglée. Il a fallu des semaines pour retrouver son corps. Elle avait 18 ans. Mais Laëtitia Perrais n’est pas un fait divers. Comment peut-on réduire la vie de quelqu’un à sa mort, au crime qui l’a emporté ? Car, dès sa plus jeune enfance, Laëtitia a été maltraitée, accoutumée à vivre dans la peur, et ce parcours de violences éclaire à la fois sa fin tragique et notre société tout entière : un monde où les femmes se font harceler, frapper, violer, tuer…

 

Le projet de fiction théâtrale que j’ambitionne d’écrire au sujet de ce féminicide se traduira en monologue pour une actrice. Je voudrais essayer de comprendre tous les événements qui ont conduits cette jeune femme, comme il en existe d’autres, à toutes les époques, vers une mort prématurée et barbare.

 

Je donnerai la parole à celles et ceux qui restent, la mère, l’oncle, le père, la sœur. C’est depuis leur point de vue que se racontera l’histoire fictionnelle. A travers la manière froide, simple et cassé de leur ressenti et de leur ressouvenir. Dire l’enchaînement des événements où les forces de vie se heurtent aux pulsions de mort dans un engrenage fatal. L’effort constant de se construire une vie modeste et digne de ces filles, élevées dans un monde brutal et chaotique, où les hommes n’existent qu’à travers une violence aveugle et archaïque. Ces Cosette des temps modernes qui n’ont jamais pu croiser des êtres sains, empathiques et forts qui auraient pu, peut-être, les sauver. Je voudrais raconter cette plongée dans ces familles de la France périurbaine où la vie est dure, âpre, violente, et qui rappellent celle de Dickens ou celle de Zola, comme si de siècles en siècles la misère sociale, culturelle et affective demeurait toujours aussi vive et intacte. C’est depuis ce chaos pétri d’affects et de rages que je voudrais témoigner de l’innocence et de l’espoir d’une jeune femme qui a tenté de vivre dignement et librement. L’histoire de Laëticia me rappelle celle aussi de ce garçon de 12 ans, dans le film Franco-Libanais, Capharnaüm, qui au tribunal se présente devant le juge. A la question : « Pourquoi attaquez-vous vos parents en justice ? », l’enfant répond : « Pour m’avoir donné la vie ! ».

Rodolphe Dana, mars 2023
texte Rodolphe Dana
mise en scène Rodolphe Dana
conseillère artistique Katja Hunsinger
Jeu Lucie Digout
SON Jefferson Lembeye
PRODUCTION YANUA COMPAGNIE
COPRODUCTION Théâtre de Lorient-CDN, recherche en cours